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Assemblée de Corse : Le torchon brûle entre Jean-Guy Talamoni et Pierre-Jean Luciani
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Assemblée de Corse : Le torchon brûle entre Jean-Guy Talamoni et Pierre-Jean Luciani


Calvi

Par

Le 29 Mars 2018


« On ne comprend rien, s’il vous plaît. Vous ne pouvez pas parler français avant ? Et après vous traduirez ». En apostrophant ainsi Romain Colonna qui dévidait in lingua nustrale sa question orale concernant la politique culturelle et la loi NOTRe, Pierre-Jean Luciani s’attendait-il à déclencher un tel clash ou a-t-il sciemment, par un agacement manifeste, joué la provocation ? Quoi qu’il en soit, la réponse du président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, est immédiate et brutale : « Excusez-moi, mais c’est encore moi qui préside. Vous n’avez pas la parole. Romain Colonna, vous pouvez poursuivre en langue corse, si vous le souhaitez ». Il poursuit en langue corse : « Le respect, c’est de ne pas couper la parole aux gens ». Pierre-Jean Luciani lance une riposte, lui aussi en corse, et quitte tranquillement la salle, en tapotant au passage l’épaule du conseiller exécutif Jean Biancucci, assis sur un banc du groupe Femu a Corsica.

Du carnaval
Un peu plus tard, l’ex-président du Conseil départemental de Corse du Sud, qui a regagné l’hémicycle, récidive en tournant ostensiblement le dos au président de l’Assemblée qui prononçait sa traditionnelle allocution d’ouverture et frappait fort contre l’Etat. La riposte de Jean-Guy Talamoni est encore plus cinglante : « Je dois dire, Mr Luciani, que ce comportement n’a jamais existé dans l’hémicycle depuis que je le fréquente, et même avant, depuis de longues années. A une époque où vous étiez à cette tribune et où nous nous sommes affrontés, à une époque de grandes tensions au sein de notre société, jamais un élu de cette assemblée ne s’est tourné comme vous venez de le faire ! Jamais un élu de cette assemblée n’a interrompu un collègue parce qu’il parlait corse. Vous avez, de façon réitérée, foulé aux pieds des notions de respect, de démocratie et tous vos collègues, y compris ceux de l’opposition auxquels vous avez tourné le dos de manière ostensible. Je ne vais pas me placer sur le même terrain que vous, celui de l’irrespect et celui de la carnavalisation de la vie publique ! Je vais simplement vous dire que ces moments de ce matin ont été les plus tristes de ceux que j’ai vécus dans cette assemblée depuis plus de deux décennies. Je n’en dirais pas plus, les Corses jugeront ! »

Des caméléons
S’en suit un échange bref :
- « Ai-je un droit de réponse », demande, alors, Pierre-Jean Luciani.
- « Non », rétorque Jean-Guy Talamoni.
- « C’est un manque de démocratie ! »
- « Vous n’avez pas la parole parce que vous avez manqué de respect à vos collègues »,
- « Ce sont des caméléons, ils se reconnaîtront »
- « Très bien ! ».

Des leçons
La polémique reprend, en début d’après-midi, lors d’une intervention de Valérie Bozzi, présidente du groupe « La Corse dans la République » qui interpelle le président Talamoni :
- « Vous donnez des leçons de démocratie, des leçons à tout le monde. Au moins, essayez au moins d’entendre ce qu’on a à dire »
- « Non ! Des leçons, je n’en prends pas ! Je n’entends pas ! En particulier d’un groupe qui vient de donner de notre assemblée une image tout à fait lamentable »

Corse et Français
Pierre-Jean Luciani finit, pourtant, pas s’expliquer benoitement : « Si Romain Colonna s’est senti visé, je m’en excuse. Quand je me suis permis de tourner le dos à vos propos, ce n’était pas contre vous, les idées passent après les hommes et je vous respecte, et je respecte Mr Simeoni. Je me suis tourné parce que vous avez parlé de « l’Etat colonial français ». C’est une citation. Devant ces termes-là, je le dis à tout le monde : si ça se reproduit, peut-être que je referais le même geste. C’est comme ça ! Je suis comme ça ! Je suis Corse et Français. Je défendrai la Corse si elle est attaquée, je défendrai la France si elle est attaquée ».
L’épilogue de cet incident à rallonge, c’est que le fougueux élu a réussi son coup. Il a fait le buzz tout l’après-midi, dans l’hémicycle comme dans les couloirs de l’Assemblée et les réseaux sociaux !
Voici le discours de Jean-Guy Talamoni qui a déplu à Pierre-Jean Luciani :

« Au seuil de mon propos, je voudrais avoir une pensée pour Emmanuelle Antoni, agent de notre Collectivité, partie dans la fleur de l’âge, au début du mois, au terme d’une longue maladie. Emmanuelle Antoni était la fille de Martin Casanova, ancien agent du Secrétariat Général. Nous pensons à ses parents, à sa soeur, à son époux et à tous les siens.
Nous avons appris avec beaucoup de tristesse la disparition de Christian Luciani, également agent de la Collectivité. Il travaillait au Lycée de Balagne. Nous pensons à tous ceux que ce deuil affecte.
Vendredi dernier, le terrorisme islamiste a fait à nouveau quatre victimes à Carcassonne et Trèbes. Le même jour, à Paris, Mireille Knoll, une femme de 85 ans, juive, était assassinée dans sa maison, en raison de sa religion. Pour toutes les victimes du terrorisme islamiste et de l’antisémitisme, je vous demande d’observer une minute de silence.

Depuis plusieurs mois, nous discutons avec le gouvernement parisien pour tenter de faire avancer les affaires de la Corse et des Corses. La révision de la Constitution n’était pas seulement un dossier technique. Le but était pour nous d’obtenir les moyens juridiques nécessaires pour régler un certain nombre de problèmes, très concrets, comme par exemple la fin des arrêtés Miot et ses conséquences. C’est la raison pour laquelle nous avons travaillé sans relâche pour convaincre les responsables politiques que nous avions face à nous de prendre en compte les délibérations de notre assemblée. Aujourd’hui nous sommes contraints de constater que, de l’autre côté de la table, il n’y a eu aucune bonne volonté, aucun respect du fait démocratique, aucune honnêteté intellectuelle. Malheureusement, nous ne parlions ni avec les enfants de Mendès France, ni avec ceux de Michel Rocard. Nous avions devant nous l’autre côté de la France éternelle : celui du mépris et de l’arrogance. Il y a plusieurs dizaines d’années, Ho Chi Minh déclarait: « Par amour de la paix, nous avons fait des concessions. Mais plus nous en faisons, plus les colonialistes français en profitent pour empiéter sur nos droits. » Aujourd’hui, ce côté de la politique française n’a pas changé.
Quand vous êtes à Paris, dans ces palais, que vous voyez de l’autre côté de la table un ministre entouré par des préfets qui n’ont manifestement aucune sympathie pour la Corse et ses représentants, vous vous dites qu’il sera très difficile de progresser dans les discussions. Le Président de la République a reconnu lui-même qu’il était cerné par les « faucons » de préfectorale. Cette préfectorale, gardienne du temple branlant du jacobinisme. Gardienne également de ce qu’il reste de l’empire colonial… Malgré tout, nous avons cherché à discuter. En vain.
Ces derniers jours, nous savions que l’article constitutionnel écrit à Paris ne serait pas à la hauteur des demandes et des besoins de la Corse. Mais les représentants du gouvernement ne voulaient pas le reconnaître. Il a fallu insister pour leur faire dire ce que nous savions déjà. Ils ont fini par l’avouer :
- Non, ils ne mettront pas en œuvre le transfert de la fiscalité du patrimoine demandé, à l’unanimité, depuis des années, par l’Assemblée de Corse.
- Non, ils ne nous donneront pas les moyens juridiques de défendre la terre corse contre la spéculation.
- Non, la langue corse ne sera pas reconnue comme une compétence professionnelle, comme l’avait annoncé Emmanuel Macron à Bastia.
- Non, il ne sera pas question d’autonomie de la Corse dans la Constitution, malgré, ici encore, le discours présidentiel de l’Alb’Oru.
Nous ajouterons que, pendant ces discussions, aucun geste significatif n’a été fait pour les prisonniers et que les juges continuent de convoquer des militants nationalistes dans de vieux dossiers, sans lien avec la réalité actuelle.

A travers ce comportement, qu’aura réussi à démonter Paris ?
- En premier lieu, qu’il n’y a pas de démocratie pour les Corses. Les nationalistes se souviendront qu’ils ont obtenu bien d’avantage pendant le conflit lorsqu’ils étaient minoritaires (3 statuts particuliers, réouverture de l’Université, mesures pour l’enseignement de la langue…) qu’aujourd’hui, dans un climat de paix et en ayant obtenu une majorité absolue de 57% des votes !
- En second lieu, que le système juridique français ne permet pas de prendre en compte les intérêts des Corses. Comme le déclarait en 1974 Libert Bou, représentant du gouvernement de l’époque : « même 200 000 Corses autonomistes ne pourraient faire modifier la Constitution ». Depuis quelques jours, chacun aura compris que, de ce point de vue, les choses n’ont pas changé de l’autre côté de la mer.

Alors, que faire à présent ?
- Pour commencer, prendre conscience de notre force, celle que nous ont donnée les Corses et la démocratie. Le peuple corse a toujours donné des preuves de sa capacité de mobilisation et je suis convaincu qu’il ne restera pas inerte face à cette situation.
- Ensuite, répondre à tous les Libert Bou d’aujourd’hui, que la Constitution ne peut faire changer la volonté politique du peuple corse.
- Enfin, décider que ce « pays à construire », nous allons le bâtir même sans l’accord de Paris, de ses préfets et de ses textes juridiques.

Bien entendu, notre nouvelle Collectivité devra être un outil majeur au profit de cette construction. Elle doit être au coeur de l’action. Elle doit se mettre au service du peuple, au service de ceux qui veulent construire ce pays, qu’ils soient maires, militants culturels, associatifs… Tous ceux qui sont sur le terrain, acteurs publics ou privés. Notre volonté est de
soutenir ceux qui se battent pour sauver la langue, ceux qui luttent pour protéger la terre, ceux qui portent un projet de développement économique… Outre ses ressources naturelles, la Corse est surtout riche de son capital humain. Il nous appartient, en notre qualité d’élus de la Corse, d’être toujours plus près de ces forces vives, celles qui font vivre nos villages, qui s’engagent pour les autres, celles qui portent des projets modernes et innovants.

Si nous tirons tous ensemble, nous rendrons notre langue officielle avec nos moyens et notre volonté politique. Si nous tirons tous ensemble, nous défendrons notre terre et, comme l’a dit récemment le Président de la SAFER, “nous ne laisserons pas faire”, que ce soit à Linguizzetta ou ailleurs. Si nous tirons tous ensemble, nous développerons notre économie sur la base des orientations décidées ici par notre Assemblée.
Quant aux relations avec Paris, nous aurons à les modifier, afin d’imposer, demain, des discussions sur un plan d’égale dignité. Pour cela, il faut mettre en oeuvre de nouveaux rapports de force politiques avec le soutien et la mobilisation de l’ensemble des Corses.
Je veux dire pour terminer qu’il ne faut pas être déçu, même si une occasion politique a été manquée. Je veux dire ma confiance en notre capacité collective à affronter cette situation et à préparer l’avenir. »
 



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